Le Grand Prieuré Russe

Jusqu’à la Révolution (1)

La mort de l’empereur Paul Ier en 1801 aurait pu menacer cette courte période de prospérité pour l'Ordre. Notons au passage que si les historiens occidentaux ont souvent brossé des portraits aussi faux que peu flatteurs de Paul Ier, ce chrétien-orthodoxe très pieux, cet homme sensible et intelligent était regardé alors par le peuple russe et l’Eglise Orthodoxe comme un véritable martyr, voire comme un saint (il existe d’ailleurs un mouvement très fort en Russie en faveur de la canonisation de Paul Ier ). Son fils, l’empereur Alexandre Ier, ne voulu pas devenir Grand Maître de l’Ordre mais resta cependant fermement attaché à sa haute charge de Protecteur. L’Empereur accepta la nomination exceptionnelle par le Pape du Grand Maître Tommasi, mais, tandis qu’en Occident l'Ordre restait totalement désorganisé et se désagrégeait rapidement, il restait étonnamment prospère et puissant en Russie. L'Empereur tenta très sincèrement de contribuer au rétablissement de l'Ordre en Occident. Citons à ce sujet le Code des Ordres de Chevalerie du Comte Garden de Saint-Ange publié à Paris en août 1819 :
« C'est dans cette conviction que l'Empereur Alexandre accorde à l'Ordre une protection toute particulière, dont nous croyons pouvoir donner une idée, en citant une dépêche du ministre des affaires étrangères de Russie à l'ambassadeur de cette Cour près le Roi de France: en voici l'extrait: "Sa Majesté impériale continue à accorder à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem un intérêt qui est suffisamment motivé par le souvenir des nobles et grands services qu'il a rendus naguère à l'humanité, et par les espérances que sa restauration un jour pourra réaliser, en atteignant des résultats non moins salutaires." »

L'empereur Nicolas Ier fit restaurer, à ses propres frais, les chapelles orthodoxe et catholique du Palais Worontzov. Les deux Grands Prieurés (orthodoxe et catholique-romain) continuèrent indubitablement à prospérer, comme en témoigne en 1844 l’ouvrage Ordres de Chevalerie et Marques d'Honneur de Nicolas Loumyer (1801-1875, archiviste du département héraldique de Belgique) qui note que : « Les deux Grand Prieurés de Russie conservent encore en apparence leur constitution et leur forme anciennes. Sous la protection de l’Empereur, sous sa haute direction dans le chapitre, ils continuent la chaîne du véritable ordre de Saint Jean, en ne conservant avec le chapitre de Rome que des liens très relâchés… Il est divisé en deux grands prieurés, l’un pour les chevaliers de la communion grecque [orthodoxe], l’autre pour ceux de la communion latine [catholique]. Le premier possède 98 commanderies de chevaliers, 17 fondées sur le revenu de la poste, et 20 fondations privées… Il y a aussi des Grand Croix et des petites croix pour les dames. »

 

Le passage précédent a été repris en 1858 par le célèbre généalogiste et héraut d’armes britannique Sir Bernard Burke dans son ouvrage Le Livre des Ordres de Chevalerie. Enfin, en 1861 W. Maigne écrit dans son de Chevalerie civils et militaires : « En Russie, où l’institution conserve en apparence son ancienne organisation, c’est par un chapitre, également indépendant, que les admissions sont prononcées sous la haute direction de l’empereur. »
Plus récemment on mentionnera aussi le remarquable article de Sir Harry Luke paru dans l’Encyclopedia Britannica en 1964 (vol. XIX, 4ème éd., page 905). Cet auteur était Bailli Grand-Croix et Bibliothécaire du Saint John Order.

 

Mais l'Ordre est aussi mentionné dans de nombreuses sources russes : les adhésions sont confirmées dans les Almanachs de la Cour des années (entre autres) 1829, 1835, 1847, 1853, 1856 et 1914. D’autres almanachs et sources tant écrites qu’iconographiques tendent à prouver qu’il y eut une continuité effective des adhésions et des signes d’activité de l’Ordre. L'empereur Alexandre II a été photographié portant la Croix de l'Ordre et, comme Chef des Grands Prieurés russes, il a confirmé le Prince Alexandre Vassilievitch Troubetzkoy en tant que Commandeur Héréditaire en date du 19 octobre 1867. L'empereur Alexandre III a employé la couronne du Grand Maître, qui avait été créé pour Paul Ier, aux obsèques de son père Alexandre II, ainsi qu'à son propre couronnement ; il a d’ailleurs, lui aussi, été photographié portant les insignes du Grand Prieuré Russe. L'empereur Nicolas II a été, lui aussi, étroitement lié à l'Ordre. Les officiers terminant leurs études au Corps Impérial des Pages, dont le siège était dans le Palais de l'Ordre, eurent le droit de porter une petite Croix de l'Ordre superposée à un médaillon doré.

 

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Images de haut en bas et de gauche à droite:
(1) couronne du Grand Maître Paul Ier
(2) Le palais Worontzov
(3) Le Comte Platov du Grand Prieuré Russe
(4) Le Prince Scherbatov du Grand Prieuré Russe
(5) L'empereur Alexandre III portant la croix du Grand Prieuré Russe
(6) Un hiérarque orthodoxe membre du Grand Prieuré Russe
(7) insigne du corps des pages

 

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